Une situation de crise
Les faibles pluies de ces derniers mois (39 % de déficit sur les monts d’Arrée par rapport aux normales depuis le 1er janvier aggravé par 92 % de déficit pour le seul mois de juillet) et les fortes chaleurs du début de l’été engendrent une baisse généralisée des cours d’eau en Bretagne : c’est ce que l’on appelle l’étiage. Les niveaux sur certains cours d’eau commencent se rapprochent de ceux de sécheresses historiques de 1976 et 2003.
Cette baisse nous impacte tous car, que ce soit l’eau de notre robinet, celle nécessaire aux cultures, aux élevages, aux industries ou à l’accueil des touristes qui affluent en cette saison, l’ensemble de cette ressource provient en très grande majorité de pompages effectués directement dans les cours d’eau.
Sur le bassin versant de l’Aulne, 12 millions de mètres cubes sont prélevés chaque année, dont 11 millions servent à la production d’eau potable. 74 % de ces prélèvements sont pompés dans les rivières. (source : Observatoire de l’Environnement en Bretagne)
Au regard de la sécheresse exceptionnelle en cours, le Finistère et les Côtes d’Armor sont passés en situation de crise. Les Préfets du Finistère et des Côtes-d’Armor ont pris des arrêtés renforçant les restrictions des usages de l’eau :
L’Aulne et le lac Saint Michel, ressource stratégique pour un tiers du département du Finistère
L’Aulne joue un rôle majeur, à la fois pour alimenter les communes qui le bordent, mais aussi de réserve de substitution à de nombreux territoires quand leurs ressources viennent à manquer. Par exemple, les pompages des syndicats du Stanger à Cléden-Poher et du Syndicat mixte de l’Aulne à Châteaulin alimentent actuellement la région de Carhaix, de la presqu’ile de Crozon, de Douarnenez, de la métropole de Quimper et même de Fouesnant et ses communes riveraines. C’est donc plus d’un tiers du Finistère qui dépend ainsi directement de l’eau pompée dans l’Aulne !
Ces nombreux pompages, dans une rivière déjà au plus bas, risqueraient d’avoir un impact négatif sur les espèces aquatiques et la qualité de l’eau pompée. Des mortalités massives de poissons, en particulier des espèces les plus sensibles comme le Saumon, sont déjà survenues par le passé comme à Châteaulin en 1989. De plus, les rejets des stations d’épuration domestiques et industrielles en amont nécessitent des débits suffisants pour être dilués pour ne pas impacter le milieu naturel et la production d’eau potable en aval.
Heureusement, le lac Saint-Michel à Brennilis, créé à l’origine pour produire de l’énergie hydroélectrique, sert aujourd’hui de réservoir pour pouvoir lâcher de l’eau dès qu’elle vient à manquer dans l’Aulne. Près de 10 millions de mètres cubes y sont stockées pendant le printemps et peuvent habituellement être lâchés en été pour soutenir le débit naturel de l’Aulne lorsqu’il est trop bas . L’eau passe alors dans l’Ellez puis l’Aulne pour permettre aux stations de pompage d’avoir assez d’eau pour fonctionner.
Hélas, la sécheresse précoce de cette année ne permet plus aujourd’hui d’avoir une retenue suffisamment pleine : le niveau de St-Michel vient de passer sous les niveaux des 2 pires années dont l’historique est connu : 2003 et 2011.
L’EPAGA, sentinelle de la ressource en eau
L’EPAGA assure comme chaque été depuis 2013, un suivi journalier des débits. Dès qu’ils sont inférieurs à une limite fixé au regard de l’état de la ressource, des milieux et des usages, il est procédé à des lâchers au plus près des besoins des producteurs d’eau et des milieux aquatiques.
Le débit naturel de l’Aulne, estimé actuellement à un peu moins de 0,5 m3/s est largement insuffisant pour assurer les pompages pour l’eau potable (environ 0,4 m3/s), la dilution de nos rejets et la bonne santé du milieu naturel. De ce fait des lâchers très importants pour la saison sont en cours depuis la retenue de St-Michel. Ils avoisinent 1,3 m3/s.
Anticiper une crise encore plus sévère : il faut dès à présent diminuer l’objectif de débit à maintenir dans l’Aulne afin de préserver la capacité à soutenir l’étiage en septembre et octobre si la sécheresse devait perdurer
Si l’objectif de débit d’étiage à Pont-Pol-Ty-Glaz devait être maintenu à 1,8 m3/s tel qu’il est jusqu’à présent, le débits des lâchers à opérer depuis St-Michel passerait aujourd’hui à 1,6 m3/s. De tels lâchers (jamais atteints jusqu’alors) représenteraient un déstockage de St-Michel proche de 150 000 m3/j (débit réservé compris). A ce rythme, le volume mobilisable à partir de la vanne de restitution de surface ne représenterait plus aujourd’hui qu’une capacité à soutenir de 36 jours.
Aussi, afin de préserver au maximum la capacité à soutenir les débits de l’Aulne à partir de St-Michel, en concertation avec les services de l’Etat, le débit moyen journalier à soutenir à Pont-Pol-Ty-Glaz passe de 1,8 m3/s (valeur Débit Objectif d’Etiage de l’Aulne –DOE– fixé par le SDAGE) à 1,5 m3/s (valeur du Débit Seuil d’Alerte de l’Aulne –DSA– fixé par le SDAGE) à compter d’aujourd’hui.
De plus et dans l’hypothèse où la poursuite de la sécheresse en septembre et octobre devait conduire à devoir utiliser une partie des eaux stockées sous le seuil minimal de restitution de la vanne de surface, il va être demandé à EDF dans les jours à venir de commencer à réaliser une partie des lâchers depuis les vannes de fond du barrage, ceci afin de commencer à les diluer avec l’eau de surface et pouvoir disposer, si besoin, d’un stock de 2 millions de m3 supplémentaires mobilisables.
Le respect des mesures d’économies d’eau par chacun est donc primordial, afin que nous puissions limiter les lâchers au strict nécessaire avant le retour des pluies.
Avec le changement climatique en cours, il est malheureusement de plus en plus probable que la situation de cette année se renouvellera plus fréquemment que dans le passé. Plusieurs collectivités et professionnels en sont aujourd’hui conscients et travaillent pour limiter le gaspillage et améliorer les capacités de stockage. L’EPAGA, en tant qu’établissement public de bassin versant, ajoute sa pierre à l’édifice en travaillant de concert avec tous les acteurs du territoire dans le cadre de l’aménagement du territoire et de la protection des ressources.
La reconstitution du bocage favorable à l’infiltration des fortes pluies, la sensibilisation des agriculteurs à des méthodes agro-environnementales innovantes ou encore la réhabilitation des petits ruisseaux busés et des zones humides drainées, véritables éponges naturelles, sont des exemples concrets d’actions menées aujourd’hui pour sécuriser notre ressource de demain, l’alimentation en eau des populations, les usages agricoles, industriels et touristiques et donc par conséquence l’économie du territoire.