Présentation de l’espèce

La moule perlière d’eau douce (Margaritifera margaritifera) aussi appelée “mulette” est une habitante méconnue des cours d’eau bien oxygénés. Cette petite moule noire de 8 à 16 cm vit enfoncée dans les sédiments de la rivière. Elle se nourrit en filtrant le plancton et les particules de l’eau.

Mulette adulte dans l'Ellez, Collorec, Sylvestre Boichard, EPAGA
Mulette adulte dans l'Ellez, Collorec, Sylvestre Boichard, EPAGA
truite infestée avec une vingtaine de glochidies, Plouyé, Nathanael Jeune, EPAGA
truite infestée avec une vingtaine de glochidies, Plouyé, Nathanael Jeune, EPAGA

Comme plusieurs autres bivalves d’eau douce, elle a pour particularité au moment de la reproduction, d’émettre des larves appelées glochidies qui doivent se fixer aux branchies de certaines espèces de poissons, en moins de 48 heures pour survivre. Pour la mulette, seuls la Truite Fario et le Saumon Atlantique peuvent servir d’hôtes. Coup de chance, ces 3 espèces partagent le même milieu : des rivières courantes, bien oxygénées et fraiches.

Aprés 10 mois, les larves se décrochent des branchies et se transforment en minuscules coquillages de moins d’un millimètre. Pour éviter les prédateurs, les petites mulettes vont s’enfouir très rapidement dans le fond de la rivière et pour y passer 5 à 10 ans, bien cachées.

Jeunes mulettes d'environ 2 ans, Loqueffret, Xavier Badé, EPAGA
Jeunes mulettes d'environ 2 ans, Loqueffret, Xavier Badé, EPAGA

Les pertes durant ces différentes phases sont très importantes, les scientifiques estiment que sur 1 million de glochidies, seule une dizaine de mulettes parviennent à l’âge adulte. Heureusement, l’espèce a une longévité étonnante: des individus approchant l’âge d’un siècle sont relativement fréquents !

 

Deux mulettes d’age différent (50 à 70 ans à gauche et une vingtaine d’années à droite), Plouyé, Sylvestre Boichard, EPAGA

Un témoin des grands évènements géologiques

 

L’espèce est aujourd’hui présente de chaque côté de l’Atlantique. Comme le milieu marin est une barrière infranchissable pour elle, cela s’explique par la dérive des continents débutée il y a 250 000 000 d’années ! Malheureusement, ces populations sont en déclin tant en Amérique du Nord qu’en Europe, où les populations les mieux conservées se situent en Scandinavie et en Irlande.

 

Répartition Mondiale de la mulette, Source Pierre Yves Pasco, Bretagne Vivante, 2016

Une espèce en danger

 

La moule perlière subit un déclin très rapide. Au cours du 20ème siècle, plus de 90 % de la population française aurait disparu. L’espèce s’est éteinte dans plus de 60 % des cours d’eau français ou elle était recensée au début de ce siècle.

Aujourd’hui la situation est toujours alarmante car, sur une majorité des 80 cours d’eau français abritant l’espèce, la reproduction est stoppée depuis plusieurs années et la population ne se renouvelle plus. Elle continue à décliner rapidement sur la plupart des rivières bretonnes (-50 % en 10 ans sur l’Ellez amont dans le Finistère ou -40 % en 15 ans sur la bonne chère dans les Côtes d’Armor).

Cette diminution importante des effectifs est principalement due à :

  • La surpêche pratiquée jusque dans les années 70 afin d’obtenir les fameuses perles (1 perle pour 3 000 individus en moyenne).
  • La pollution des eaux et en particulier l’eutrophisation. En effet les jeunes mulettes supportent très mal les excès d’azote apporté par les engrais et les eaux usées.
  • L’envasement des fonds qui étouffe les mulettes enfouies dans les sédiments. Cet envasement peut être due à l’érosion qui apporte de nombreuses matières fines ou à la modification de l’écoulement de la rivière qui facilité leur dépôt (barrage, curage …).
  • la disparition des poissons hôtes (salmonidés), indispensables à sa reproduction.
  • Les événements climatiques extrêmes (orages, fortes chaleurs, sécheresses) de plus en plus fréquents avec le changement climatique.
  • D’autre causes encore mal connues qui bloquent la reproduction de l’espèce (appauvrissement génétique, variation de débits, disparition de la ripisylve, prédation, …).
Cours d'eau recreusé à la pelleteuse, Sylvestre Boichard, EPAGA
Cours d'eau recreusé à la pelleteuse, Sylvestre Boichard, EPAGA
Déversement d'eaux usées dans un cours d'eau, Sylvestre Boichard EPAGA
Déversement d'eaux usées dans un cours d'eau, Sylvestre Boichard EPAGA
Truite Fario, Sylvestre Boichard, EPAGA
Truite Fario, Sylvestre Boichard, EPAGA

L’espèce est aujourd’hui classée en danger critique d’extinction sur la liste rouge européenne et fait l’objet de plusieurs mesures de protections.

Cette sensibilité extrême en fait l’espèce indicatrice du bon fonctionnement d’un cours d’eau par excellence. Leur présence dans un cours d’eau est la preuve d’une très bonne qualité de l’eau.

Le bassin de l’Aulne, un des derniers sanctuaires français pour l’espèce

En France, les dernières populations en bonne santé se situent dans le Massif Central et le Morvan. Néanmoins, le Massif Armoricain possède encore quelques foyers de populations relictuels (18 en 2021). Les effectifs les plus importants ont été retrouvés sur le bassin de l’Aulne (80 % de la population bretonne), en particulier sur un affluent qui dévale les flancs des Monts d’Arrée: l’Ellez.

Recherche de mulettes dans l'Ellez

 

Une étude réalisée en 2016 par Bretagne Vivante et l’EPAGA a montré que la population de l’Ellez, estimée entre 8 000 et 10 000 individus, n’est pas exceptionnelle uniquement par sa taille. L’important linéaire colonisé (près de 14 km) et la présence de nombreux juvéniles sont aussi uniques en Bretagne.

La mulette de l’Ellez, sentinelle de notre robinet

 

La population de moule perlière de l’Ellez se situe en aval du lac Saint-Michel (450 ha), véritable château d’eau pour le Finistère. En effet, dans le cadre du soutien d’étiage, l’eau du lac est utilisé pour alimenter les stations de pompage d’eau potable installées en aval le long de l’Aulne. Au plus fort de l’été, jusqu’à un tiers de la population du Finistère dépend de ces pompages, et donc de l’eau de l’Ellez pour son alimentation journalière.

 

 

Lac de Saint-Michel, Botmeur

 

Les populations de moules perlières de l’Ellez, si sensibles à la pollution, disparaitraient si des substances dangereuses apparaissaient dans l’eau. Ainsi, le maintien de leur population dans l’Ellez est un véritable gage de bonne qualité de l’eau rejoignant plus en aval le robinet de près de 200 000 habitants.

Cet exemple doit nous rappeler que les mulettes ne sont pas les seules à avoir besoin d’une bonne qualité d’eau pour survivre. Préserver leur milieu de vie, c’est aussi protéger la santé des populations humaines et des industries utilisatrices d’eau potable de bonne qualité.

Programme « Agir ensemble pour préserver la vallée de l’Ellez, perle des monts d’Arrée »

 

L’EPAGA, Bretagne Vivante, la Fédération de pêche 29 et le Parc Naturel Régional d’Armorique ont décidé d’unir leurs efforts et de retenir 5 enjeux pour tenter de préserver durablement ce noyau de population d’importance nationale :

  1. Connaître la dynamique de la population de mulettes et l’état des milieux aquatiques
  2. Restaurer le fonctionnement des milieux aquatiques
  3. Limiter les pollutions diffuses et l’érosion des sols
  4. Prévenir les risques de pollutions accidentelles
  5. Sensibiliser et concerter les habitants de communes concernées

 

Grâce à l’implication des élus et agriculteurs locaux, de nombreuses actions ont été réalisées ou sont en cours. Près de 100 000 € ont déjà été investis par l’EPAGA depuis 2019.

Contournement d'un obstacle à la migration des truites, Collorec, Sylvestre Boichard, EPAGA
Contournement d'un obstacle à la migration des truites, Collorec, Sylvestre Boichard, EPAGA
Aménagement d'abreuvoirs, Plouyé, Sylvestre Boichard, EPAGA
Aménagement d'abreuvoirs, Plouyé, Sylvestre Boichard, EPAGA